Serions-nous des bêtes qui s’ignorent ?

18/01/2012

Pour l’ouverture de son 14ème festival, José Alfarroba a frappé très fort, présentant à son public une des compagnies israéliennes contemporaines les plus en vogue du moment. Plus que l’histoire qu’ils abordent, c’est l’énergie des danseurs de la compagnie, ainsi que leur stupéfiante technique qui étonnent et qui, d’ailleurs, les ont fait connaître et reconnaître dans le monde entier. Toutefois, l’œuvre qu’ils présentent, aussi violente que tourmentée, donne à réfléchir, évoquant certains de nos comportements, en prenant des animaux comme modèle. Créé en 2010, Animal lost pourrait en effet faire penser à l’animal qui se cache au fond de chacun d’entre nous avec ses côtés plus ou moins pervers, ses fantasmes, ses peurs, sa sexualité et ses désirs souvent inassouvis, sous forme de clichés stéréotypés… Mais, en dessous de ceux-ci se révèlent, par le truchement d’un langage original extrêmement expressif, heurté, sans ambages et direct, les différences entre les classes sociales et la misère qui règnent un peu partout de par le monde. Les animaux qu’ils mettent en scène – un cochon, un cheval, un chien, un lapin, un panda, un oiseau, un ours blanc… – donc tous extrêmement différents les uns des autres, reflètent la diversité des êtres qui vivent sur notre planète, mais aussi celle des hommes. Et tous sont habités par les mêmes sentiments, ont les mêmes qualités et les mêmes défauts. Ils en sont tous parfaitement conscients et culpabilisent de la même manière. Cependant, à un moment ou un autre, leur nature profonde reprend le dessus, et ils se laissent aller… Aux scènes de débauche volontairement surréalistes comme celle où le cochon s’amourache du lapin, succèdent d’autres scènes plus calmes, à connotation cependant souvent sexuelle, tels ces déhanchements cadencés de tous les protagonistes sur une musique arabe qui ne sont pas sans évoquer les danses du ventre orientales. Une très grande émotion se dégage de ces tableaux du fait de leur expressivité, même s’ils s’avèrent provocateurs car l’on sent qu’au fond, il ne s’agit malgré tout que d’une comédie, tragi-comique certes, mais d’une comédie quand même. Cependant, derrière les masques, la souffrance est toujours présente, souvent sous-jacente.

Yossi Berg et Oded Graf sont deux joyeux lurons de la même trempe qui, un jour de 2005, décident de s’associer et de travailler ensemble. Ce qu’ils ont à dire, ils le disent crûment, sans détours, d’une manière très physique, avec un langage original, très coloré, et un dynamisme peu commun. Et quand ils touchent à notre société, cela peut faire mal, très mal. Mais c’est aussi cela qui fait leur force.

– J.M. Gourreau, Critiphotodanse Paris